Chants of Sennaar est un jeu d’aventure réflexion indépendant développé par le studio français Rundisc basé à Toulouse et édité par Focus Entertainment. Il est désormais disponible sur Steam et sur Nintendo Switch depuis le 5 septembre 2023 au prix de 19.99€.
Il est dit qu’un jour, un voyageur saura réunir les Peuples de la Tour, divisés depuis la nuit des temps. Dans Chants of Sennaar, nous allons incarner ce fameux voyageur et tenter de recréer du lien entre les 3 peuples principaux de la tour.
Vous allez me dire, il suffit de parler à tout ce petit monde et de les mettre d’accord sur leurs points communs plutôt que sur leurs différences et vous aurez bien raison.
Cependant, en tant qu’étranger à la tour, nous ne sommes pas en mesure de comprendre les différents dialectes et encore moins de déchiffrer les langues anciennes!
C’est là qu’intervient la partie émergée de l’intérêt de Chants of Sennaar, à savoir observer, écouter, et déchiffrer les langues anciennes des habitants de la tour à partir soit de déductions logiques soit d’associations de caractères.
Rassurez vous, le jeu ne se limite pas forcément à jouer les champollions de service, il faudra également faire preuve de jugeote pour résoudre des énigmes bien fichues et invoquer le Solid Snake qui est en nous dans des phases d’infiltration brèves mais efficaces.
En tant qu’immense fan du merveilleux Heaven’s Vault, je ne pouvais passer à côté d’un nouveau jeu mélangeant une narration cryptique et un apprentissage ludique mais néanmoins ardu de langues anciennes.
Commençons par la commencement, le jeu est très clairement inspiré du mythe de la tour de Babel et l’on retrouve ici et là pas mal de références voulues avec quelques nuances bienvenues. Il est donc question de peuples voulant pour certains se rapprocher de Dieu se situant tout en haut de la tour.
On retrouve donc les fidèles, les guerriers, les bardes, les alchimistes et un dernier que je ne spoilerais pas. Si certains ont des affinités avec d’autres, le constat global et que personne ne se comprend et que l’animosité fait loi dans la tour.
Sable-ient Moebius
Notre histoire débute donc par une découverte d’un biome intéressant avec ces écluses, des jardins et 2 peuples qui semblent en conflit. Incapable de comprendre le dialecte local et les inscriptions (Glyphes) laissées sur des fresques laissées à l’abandon, notre périple commence directement dans le dur.
Chants of Sennaar nous octroie assez rapidement un carnet qui nous permettra de prendre des notes et d’annoter toutes les glyphes constituant chaque langage. Dans ce tutoriel qui n’en a pas le nom, on fera la connaissance d’un fidèle qui nous aidera à comprendre quelques mots et nous introduira à une première structure de langue.
Histoire de ne pas trop perdre les joueurs, on reconnaîtra immédiatement la structure habituelle Sujet – Verbe – Complément chère à notre langue française. On déduira de fait très vite les glyphes Ouvrir, Fermer, Salutations, Toi et Moi. S’ensuit un début d’exploration de cette zone avec tout ce que cela implique de découvertes de nouvelles glyphes et de nouveaux personnages à côtoyer.
Là encore, le jeu impressionne dans sa logique avec la possibilité d’annoter les glyphes manuellement en écrivant ce que l’on pense avoir compris de leur signification directement dans notre carnet. Une fois que l’on est parvenu à les déchiffrer en faisant correspondre la glyphe avec une image dans le carnet, le glyphe sera définitivement traduite.
Si les débuts sont simples, les glyphes les plus avancées seront autrement plus complexes à interpréter et je dois bien avouer avoir parfois fait des associations au hasard en espérant que cela fonctionne! Pour éviter que cela soit trop facile de tricher, il nous faudra compléter toute la page afin de la valider, malin!
C’est ensuite grâce à une partie de cache-cache avec un enfant que Chants of Sennaar va nous présenter les 2 autres facettes de son gameplay à savoir la résolution de puzzles ainsi que l’infiltration dans une séquence qui bascule notre vision en noir et blanc afin de se concentrer sur l’essentiel.
Chants of Sennaar nous permet de nous acclimater tranquillement à ses mécaniques grâce à un tout premier étage introduisant 2 langues mais aussi par le biais d’une certaine linéarité dans notre progression dans le niveau. On est guidé sans le savoir vers une sorte de terminal très high-tech et qui semble nous permettre de nous déplacer dans les différents étages de la tour.
On y trouve également des sortes de dialogues entre les différents peuples constituant la tour mais qu’il nous est encore impossible de déchiffrer. Non seulement il va falloir apprendre les différentes langues mais on va aussi devoir aider tous ce petit microcosme à communiquer par le biais de ce terminal.
Chants of Sennaar-iste
Arrivent alors les tous premiers puzzles de Chants of Sennaar que nous devrons résoudre pour avancer. Soit il faudra le faire de façon très logique soit en allant chercher certains éléments et en les combinant avec d’autres afin d’avancer plus loin dans ce bien étrange dédale labyrinthique.
C’est vraiment ma partie préférée du jeu car non seulement ils sont très bien fichus mais ils nous obligent à réfléchir et à faire très attention aux moindres détails des fresques et autres textes que l’on sera parvenu à déchiffrer.
Il ne sera pas trop question d’assembler des objets les uns avec d’autres pour parvenir à nos fins, on ne pourra jamais porter plus de 2 objets en même temps et la plupart ne pourront être utilisés qu’une seule fois afin de débloquer une situation précise.
La difficulté des énigmes dans Chants of Sennaar est excellente avec des débuts très faciles et une progression linéaire en fonction des étages où l’on sera. A titre personnel, j’ai eu bien plus de mal à déchiffrer les glyphes qu’à résoudre les énigmes à proprement parler.
L’autre facette du gameplay à savoir les phases d’infiltration sont assez simples et apportent une certaine tension bienvenue par moments. En cas d’échec, on se retrouvera au même endroit afin de ne pas perdre trop de temps.
Il arrivera également que le jeu s’amuse à nous perdre dans des dédales de couloirs qui se ressemblent tous et où l’on devra pourtant une salle en particulier planquée de façon sournoise. Rien de bien grave pour peu que l’on prenne des notes mais j’ai perdu pas mal de temps là bas!
Il est également à noter que les interactions entre notre personnage et tout ce qui l’entoure sont visible facilement en un clic. On gagne ainsi pas mal de temps et l’on se dirigera toujours vers les points d’intérêts plutôt qu’à errer au hasard dans les étages de la tour.
Il y a un autre point remarquable dans Chants of Sennaar, il s’agit la narration et de la façon dont elle s’imbrique parfaitement avec la thématique. La finalité de notre aventure est de recréer des liens entre les peuples, ceux-ci seront représentés par les fameux dialogues incompréhensibles que l’on trouvera dans le terminal.
Au fur et à mesure de notre progression, on sera en mesure de pouvoir traduire ce que veulent dire certaines peuples à d’autres afin de les rapprocher. Du coup, plus on progresse dans le jeu et meilleure sera notre compréhension de leurs différences mais aussi de ce qui les rapproche.
J’ai d’ailleurs particulièrement apprécie le niveau avec les bardes, malgré le passage dans les égouts, pour l’intelligence de sa narration et l’excellente mise en contexte des rapports conflictuels entre eux et les soldats.
Cette section va aussi grandement complexifier ses puzzles avec pas mal d’allers-retours à faire pour bien comprendre ce que l’on attend de nous. Il faudra ensuite s’accrocher car le niveau de difficulté va lui aussi grandement s’élever.
Impie soit-il
Malgré toutes ses immenses qualités, tout n’est pourtant pas parfait dans Chants of Sennaar. Certaines langues sont moins intéressantes à déchiffrer que d’autres (la toute dernière me concernant) et j’ai trouvé les phases d’infiltration trop simples dans leur ensemble. Certaines courses poursuites sont au final plus comiques que stressantes.
Si la difficulté du jeu est parfaitement bien dosée pour des joueurs habitués au genre, les plus néophytes auront pas mal de difficulté à bien appréhender le concept et à parvenir à déchiffrer toutes les glyphes. Sans les blâmer, ils risquent d’aller directement dans la section Guides du jeu de Steam pour y trouver les solutions.
Chants of Sennaar propose une caméra plus ou moins fixe et qui suit nos mouvement sans trop changer d’angle de vue. Cela peut perturber de prime abord (cela fut mon cas) surtout lorsque l’on joue au clavier et à la souris. On est obligé de faire avancer la caméra en cliquant trop souvent vers un bord de l’écran en espérant trouver une porte ou une transition dans le niveau.
J’ai également noté quelques soucis de focus lorsque l’on place notre souris sur des glyphes qui donne un rendu visuel assez désagréable zoomant et dézoomant très rapidement sur la glyphe. La touche Esc ouvre directement la fenêtre d’option du jeu sans forcément fermer l’interface où l’on se trouve.
Update: Il semblerait que le problème de la touche Esc soit résolu avec un patch.
Malgré ces quelques bémols, Chants of Sennaar reste un tour de force vidéo-ludique à tous les niveaux. L’histoire est vraiment excellente pour peu que l’on se donne la peine d’obtenir la fin la plus positive, la réalisation graphique parle d’elle-même avec ce design original et sa remarquable verticalité.
La bande son apporte un énorme plus à l’ensemble avec de superbes orchestrations de Thomas Brunet. Le résultat est brillant avec de très beaux thèmes originaux et une thématique parfaitement respectée. Mention spéciale à: Gardens of Plenty et à Bonds Reforged! J’y ai presque retrouvé ce qui m’avait enchanté dans la bande son de Death’s Door.
Heaven’s Fault!
Techniquement, Chants of Sennaar est une franche réussite que ce soit graphiquement ou dans sa direction artistique. C’est non seulement beau à regarder mais aussi très plaisant à explorer avec une belle variété d’environnements et pas mal de variations en fonction des étages de la tour.
C’est une expérience vraiment unique en son genre avec de très bonnes idées de mises en scène et quelques surprises bienvenues dans l’histoire. C’est un vrai régal de bout en bout!
Le jeu est parfaitement jouable sur le Steam Deck sans vraiment être optimisé. Je n’ai pas eu de gros souci même si la résolution native du Deck n’est pas prise en charge par le jeu actuellement.
Le jeu est disponible en français dans les textes ce qui est fort logique vu que le jeu est développé et édité par des français. Il est jouable en solo uniquement ce qui est normal vu la nature du jeu et il dispose dores et déjà de cartes Steam et d’une gestion parfaite des sauvegardes sur le Steam Cloud.
Comptez environ 10 heures de jeu pour parvenir à un des fins de Chants of Sennaar ce qui est plutôt bon pour ce genre de production. Rajoutez à cela plus de 25 succès Steam à débloquer qui demanderont 2 parties complètes afin de tous les obtenir.
Chants of Sennaar est, pour moi, le meilleur jeu de cette année 2023 tout comme l’avait été Citizen Sleeper en 2022. Non seulement il est remarquable dans son approche d’apprentissage de langues inconnues mais il dispose aussi d’une aura particulière qui le rend unique en son genre.
Les puzzles font partis des meilleurs auxquels j’ai pu jouer depuis longtemps et ce n’est pas les quelques défauts que j’ai relevé plus haut dans ma chronique qui vont obscurcir mon jugement.
C’est un jeu d’une grande intelligence et d’une finesse incroyable que je vous recommande chaudement pour peu que vous aimiez les jeux d’aventure qui ne se laissent pas faire. Et pensez également à découvrir Heaven’s Vault si vous avez aimé Chants of Sennaar!